Une suite d’article de Maxime De Blasi
La grande illusion du recyclage et des énergies renouvelables, justifications morales d’un consumérisme non soutenable
L’argument de la perspective de gains liés au recyclage des matières et des déchets apparaît de plus en plus au fil des ans comme la bonne conscience, individuelle et collective, qui permet de justifier la continuation du consumérisme à outrance tant il reste minoritaire et inefficace, voire hypocrite (1). Il est crucial de prendre conscience que placer un point vert sur un emballage pour le définir comme « recyclable » n’exprime qu’une faculté (2), bien loin d’être réalisée en pratique3 ce qui en fait de facto l’auxiliaire d’une justification morale de consommer sans limites.
Nous sommes dans l’ère de l’objet jetable et ce mouvement aberrant pour l’environnement n’a pu se développer qu’avec la bénédiction morale d’un soi-disant recyclage. Eu égard à son caractère trompeur pour le consommateur cet adjectif devrait être abandonné pour être remplacé par un plus affirmatif « produit qui sera recyclé » ou « produit qui ne sera pas recyclé ». La vérité serait alors rétablie pour de nombreux déchets, notamment plastiques, car il est malhonnête et faux de définir comme recyclable un produit recyclé à seulement quelques pourcents de sa production. Quant à l’éventuel sursaut quantitatif et qualitatif du recyclage que les gouvernements annoncent sans cesse c’est oublier qu’il nécessite une organisation complexe et sans faille car faisant intervenir une foule d’acteurs –et en premier lieu le chainon crucial du consommateur versatile, qui n’est pas le moindre à mobiliser-, et surtout qu’il est dispendieux en énergies fossiles, elles-mêmes épuisées à moyen terme4. La seule vérité à asséner c’est que toute production de biens a un impact écologique direct ou indirect et que l’unique façon de moins polluer est de mieux -et surtout de moins- consommer et non de s’abriter derrière un terme, « recyclable », qui ne représente pas la réalité.
Quant à l’espoir placé dans les énergies renouvelables il serait bon là aussi d’entreprendre un bilan global permettant d’inclure dans les comparaisons les coûts écologiques et économiques de la construction des infrastructures et ceux de la fin de vie et du recyclage de l’équipement, et non seulement les avantages tirés de l’exploitation comme on le fait communément5, pour relativiser fortement leur apport, qui en tout état de cause ne saura être à la hauteur du doublement de la consommation qui se profile. Il n’y a actuellement aucune source d’énergie alternative apte à y répondre et la pile à combustible par exemple, qui utilise l’hydrogène de l’air pour produire de l’énergie, ne l’est pas davantage.
On objectera peut-être que la population diminuant entre 2 et 3 milliards d’habitants, la croissance économique s’effondrerait et donc le bien-être global, faisant reculer l’humanité. Mais c’est oublier qu’un être humain sur deux seulement est actif actuellement, ainsi que le considérable volant de chômeurs qui voit des centaines de millions de personnes sans travail sur la planète. C’est négliger aussi que le taux de croissance économique, s’il est corrélé à la population ne lui est pas directement lié, la différence résidant dans le progrès technique qui découle des innovations comme le démontrent les théories de la croissance endogène. En cas de diminution de la population les gains de productivité pourraient même connaître un essor accru, le manque de main-d’œuvre imposant d’augmenter l’intensité capitalistique et les innovations, permettant de produire autant, voire plus, avec moins d’humains.
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(1) Qu’on pense au « 7ème continent » de plastique qui envahit les mers de tout le globe ou à l’exportation de facto masquée des déchets occidentaux électroniques et toxiques vers la Chine et l’Afrique : « cachez (dans le tiers-monde) ces déchets que je ne saurais voir ! » est la devise des modernes Tartuffe du recyclage.
(2) Du suffixe « able » qui n’exprime qu’une faculté, aussi bien en français qu’en anglais.
Ces articles parus dans le Débat édition Gallimard n° 206 – Septembre-Octobre 2019
Avec l’aimable autorisation de Maxime De Blasi