Lutte contre l’inflation alimentaire : Mieux afficher les prix au kilo pour protéger le consommateur, l’économie et…la planète !
Par Maxime De Blasi, essayiste et auteur-compositeur-interprète, agrégé de Génie Electrique, ancien élève de l’ENA
Dernièrement, l’affaire de la marque « Uncle Ben’s », qui a réduit subrepticement le poids de ses sachets de riz cuisiné de 250 à 220 grammes sans baisse de prix, entrainant implicitement un renchérissement du prix au kilo de plus de 10 % sans que les consommateurs n’en soient avisés, a révélé les pratiques de « Shrinkflation », où comment l’inflation conduit certains fabricants à baisser en cachette la taille des produits pour éviter d’en augmenter le prix unitaire. Et de nombreux exemples de diminution masquée du volume du produit vendu abondent, comme les portions « Kiri » qui ont perdu 2 grammes sans diminution de prix, renchérissant celui au kilo de 11 %. Depuis, le ministre de l’économie Bruno Lemaire a indiqué que ce genre de changement de packaging serait désormais obligatoirement signalé aux consommateurs mais pas tous les produits potentiellement concernés ne sont emballés, comme le montrent les suspicions qui émergent sur la taille réduite du « Big Mac ».
Une solution extrêmement simple et peu couteuse permettrait de protéger les consommateurs contre ces baisses de prix unitaire qui masquent un renchérissement du produit : forcer les distributeurs à changer la signalétique des étiquettes de prix, en affichant le prix au kilo ou au litre en aussi gros que le prix au détail (celui que l’on paye en caisse). Certes, actuellement l’affichage des prix au kilo/litre est déjà obligatoire mais tout le monde sait qu’il faut avoir de très bons yeux dans la mesure où il est affiché en bas à droite de l’étiquette en tout petit, en 3 ou 4 fois moins gros que le prix du produit.
Dans ce cas en effet, toute action de type « Uncle Ben’s » serait vaine puisque le prix au kilo aurait explicitement bondi d’exactement autant que la diminution cachée de produit, le consommateur étant alors dûment avisé du renchérissement implicite du produit. Les stratégies de ce type seraient immédiatement visibles et donc condamnées. Inversement, les baisses de prix seraient répercutées au pourcent près.
Un meilleur affichage du prix au kilo permet aussi aux consommateurs de pouvoir comparer d’un clin d’œil les différences de prix entre produits d’une même catégorie : car que ce soit pour des biscuits ou des tomates, le prix au kilo (ou au litre) exprime la différence de qualité entre le bas de gamme, le milieu de gamme et le haut de gamme. Or, actuellement les fabricants ont des stratégies de packaging différenciés qui masquent cette différence de qualité. Le prix au kilo participe à l’éducation du consommateur, à sa sensibilisation à la qualité du produit.
Ceci a un autre avantage, économique pour la société entière : en effet, si traditionnellement on parle du coût du changement des étiquettes pour évoquer le coût économique de l’inflation pour la société, ce phénomène de « Shrinkflation » montre que l’inflation entraine de nombreux changements d’emballage quand la quantité est diminuée. Peu d’économistes ont documenté cet impact de l’inflation sur les emballages et les conditionnements, mais il est significatif et ceci a évidemment un coût pour le fabricant, qu’il reporte sur le prix donc sur le consommateur : en résumé l’inflation modifie le conditionnement d’un certain nombre de produits, et cette modification contribue en retour à l’inflation : un cercle vicieux inflationniste et un coût indirect de l’inflation que l’on peut briser avec un affichage renforcé des prix au kilo ou au litre.
Enfin, dernier avantage et non pas le moindre, celui écologique ! Car la diminution des quantités dans les packagings de vente augmente relativement le volume de ces derniers par rapport au produit vendu. On voit ainsi fleurir des emballages de marques de haut de gamme -souvent en plastique et j’ai eu l’occasion de dénoncer la pollution plastique1– qui contiennent très peu de produit, pour en limiter le coût de vente au détail : par exemple, pour seulement 100 grammes de produit vendu, ils peuvent peser jusqu’à 30 grammes, soit le tiers du produit utile ce qui est une aberration écologique en l’absence, a fortiori, d’un véritable recyclage2. L’affichage renforcé des prix au kilo/litre rendrait vaine cette course aux petites quantités puisque, qu’il soit vendu en 100 grammes ou en 300 grammes, le prix au kilo du produit reste le même, hors effet d’échelle.
L’ensemble de ces constats et de ces pratiques observées milite donc pour un affichage bien plus explicite des prix au kilo ou au litre. Les consommateurs ont montré, notamment lors du passage du Franc à l’Euro, que le double affichage n’est pas un problème et qu’ils peuvent s’y adapter. Alors le ministère de l’Economie, s’il sait agir autrement qu’en paroles en faveur des consommateurs plutôt que des fabricants et distributeurs, dispose là d’une arme convaincante pour leur protection et pour celle de la planète.