Par Jacques Condat, Président d’Alternative et Progrès et Blanche de Weerdt
Il ne faut pas confondre l’apprentissage proprement dit des contrats de qualification. Pourtant avec les deux ce n’est pas seulement une entrée dans la vie active, mais les premiers pas vers un savoir-faire que beaucoup nous enviaient. Qu’en est-il aujourd’hui ?
On trouve sur le site de France compétences[1] cette phrase « La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en transforme les modalités pour renforcer l’attractivité de cette voie de formation comme une voie de passion, d’excellence et d’avenir, pour les jeunes, leurs familles et les entreprises. » Ce qui le plus souvent est faux, puisque c’est au moment de l’orientation scolaire que cette « orientation » est faite par le conseiller pour la suite des études. Il faut à ce moment là que les parents se battent et prouvent le bien fondé de leur demande pour que l’orientation imposée soit revue.
Si la nouvelle loi ouvre la voie de l’apprentissage jusqu’à l’âge de 29 ans révolus, (pas d’âge limite pour une personne reconnue travailleur handicapé) [2] qu’en est-il pour celle d’une quarantaine d’années qui se découvre une passion pour la menuiserie ?
Ne peut-on revenir en arrière pour des activités qui fonctionnaient bien et qui faisaient une partie de ce savoir-faire que l’on nous enviait. En commençant par ne pas confondre artisanat, profession libérale, commerce et industrie.
Face à la robotisation, à l’Intelligence Artificielle, l’artisanat est un des rares secteurs qui perdurera. On aura besoin de de ces créateurs, réparateurs, constructeurs, pour des secteurs comme la restauration et l’entretien du patrimoine, la réparation navale, la haute couture, etc …….
Parce que les mots « métiers » et « job » ont été dénigrés en les traitant de petits boulots, tous les gouvernements depuis quarante ans ont échoué sur la revalorisation de l’apprentissage.
Parce que le choix des mots est important.
Le mot profession est devenu synonyme de « Métier qui a un certain prestige social ou intellectuel » rien que cette définition a un caractère discriminatoire.
La définition de métier n’arrange pas le terme « Genre de travail déterminé, reconnu ou toléré par la société et dont on peut tirer des moyens d’existence » [3].
Dans le mot artisanat, il y a le mot art. Savoir se servir de ses mains pour construire, réparer, créer est tout un art. Afin de revaloriser l’apprentissage, il faut redorer le blason des métiers manuels, que ce soit ceux des métiers d’art comme relieur, ainsi que les métiers manuels ou ceux de la boucherie, dans le commerce, de soudeur dans l’industrie ou de plombier dans les services.
Il faut différencier les professions des métiers ainsi que les contrats :
Artisanat (contrat d’apprentissage) professions du commerce et de l’industrie et de certains services (contrat d’alternance)
On n’est pas apprenti dans une assurance. Ce n’est pas une profession artisanale. Pas plus qu’on ne signe un contrat d’alternance (remplaçant le contrat de professionnalisation) chez un luthier, un plombier ou un boucher. Ce ne sont pas des professions du commerce, ce sont des métiers de l’artisanat.
Le Medef déclarait avec raison en 2013 [4] : « Le système français de formation en alternance, et notamment en apprentissage, a quelque chose d’absurde. Que ce soit sur la conception des formations, la définition de leur contenu, leur révision ou l’appréciation du besoin de compétences des entreprises sur un territoire, la décision n’appartient pas à ceux qui sont concernés. Au contraire, les décisions stratégiques sont, à tous les niveaux, prises par des acteurs qui n’ont pas forcément intérêt au développement de l’apprentissage. Pour compenser les inconvénients qui résultent de cette situation pour les entreprises, les pouvoirs publics leur accordent plusieurs subventions conséquentes (indemnités forfaitaires, crédit d’impôt, exonérations de cotisations sociales…) Or, rien n’a vraiment changé malgré les réformes.
Le système est donc pervers : au lieu de parier sur la responsabilité et la liberté des acteurs, on les enferre dans un système de règles inadaptées et contraignantes en dédommagement desquelles on est ensuite obligé de les indemniser pour que le système ne s’effondre pas… Ceci donne aux pouvoirs publics le contrôle du système, mais au prix d’un double gâchis d’énergie privée et d’argent public. »[5]
Depuis 1983, formation professionnelle et apprentissage sont passés aux mains des Régions. Grâce à la décentralisation. Pourtant, qui mieux que les entreprises et les Chambres des métiers et de l’Artisanat, acteurs de terrain pourraient s’occuper de la formation des apprentis, partant du principe qu’un artisan lorsqu’il forme un apprenti l’engage ensuite comme ouvrier (il ne va pas perdre son temps à former quelqu’un qu’il licenciera ensuite à moins que celui-ci ne lui donne pas satisfaction).
Cependant deux points restent essentiels : Révision du Code du travail sur le travail des jeunes et des machines-outils
Pas de limite d’âge pour l’apprentissage. On peut avoir envie d’apprendre un métier manuel à 50 ans, alors qu’on est un ingénieur informaticien.
Oui, l’apprentissage baissera les premières années, puisque l’on supprime dans les comptes les contrats de professionnalisation, les contrats en alternance, les jeunes venant des universités.
Il y a environ 920 000 entreprises artisanales en France [6]. Si chaque artisan prend un apprenti tous les trois ans, cela ferait une moyenne de 300 000 nouveaux apprentis chaque année. Il est inutile de chercher à atteindre la barre des 500 000 apprentis. Nous ne sommes pas l’Allemagne, nous avons une autre vision de notre société.
Références :
[1] https://www.francecompetences.fr/la-formation-
professionnelle/apprentissage/#:~:text=La%20loi%20du%205%20septembre%202018%20donne%20une%20place%20prépondérante,apprenti%20a%20signé%20son%20contrat.
[2] https://www.defi-metiers.fr/dossiers/les-nouvelles-regles-applicables-aux-cfa-et-aux-formations-en-apprentissage
[3] Bibliographie https://www.robertholcman.net/public/documents/these/chapitre_1_definition_appartenance_professionnelle_these_robert_holcman.pdf
[4] https://www.toute-la-franchise.com/vie-de-la-franchise-A10522-le-medef-prone-une-reforme-de-l-alt.html
[5]https://www.medef-montpellier.com/wp-content/uploads/2017/03/RDLF-MANIFESTE.pdf
[6] https://www.jobartisans.com/chiffres-cles-artisanat.html