Des journées trop chargées, à se dépêcher, à courir, pour tenter d’effectuer ce qui, en se couchant, restera à faire, à terminer demain. Le temps régit absolument notre quotidien : nos heures de sorties, notre rythme de vie, nos repas. Mais depuis quelques années il semble devenir plus rare. Nous avons l’impression d’en manquer et cela nous pousse à agir de manière toujours plus rapide. Ce phénomène de vitesse et de besoin de rapidité a créé l’urgence. Cette urgence qui, parce qu’on n’a pas le temps ou qu’il nous presse, nous pousse à accélérer le rythme. Alors que la machine était supposée nous en faire gagner, dans une ère où nous automatisons de plus en plus nos procédés, la sensation globale esr justement d’en manquer de plus en plus. Il n’y a qu’à regarder par la fenêtre pour s’apercevoir que le monde est pressé. Pour arriver à synchroniser toutes nos activités, nous devons tout faire en accéléré. C’est ce que certains appellent le culte de la vitesse. Ce culte lié à la rapidité d’exécution pousse même à critiquer et à remettre en cause celui qui va lentement. Comme si aller à son rythme, tranquillement, était quelque chose d’étrange, d’anormal. On préférera d’ailleurs un exécutant rapide à une personne pensante et ayant besoin de temps pour vérifier si sa direction est la bonne. Dans notre présent, le culte de la réussite rejoint celui du mouvement.

La notion d’impatience à l’attente, dont nous faisons personnellement l’expérience, est entretenue par le fait que, en quelques années à peine, cette impatience se mesure désormais : notre temps est continuellement et en tout lieu mesuré. A un arrêt de bus on nous dit quand il va arriver : dans notre voiture, le GPS nous donne le délai pour atteindre notre destination, sur Netflix qui nous dit que le prochain épisode démarre dans 20 secondes… Auparavant, on avait une sorte d’estimation interne de cette fébrilité. Aujourd’hui, quasiment chaque situation qui nous met en rapport avec une échéance à gérer bénéficie d’un compteur. On nous renvoie directement un petit marqueur temporel qui, lorsqu’il n’existe plus, nous manque. La multiplication de ces outils est censée nous soulager de certaines estimations ou calculs, voire nous faciliter notre prise de décision. Ce sont des libertés nouvelles que tous ces dispositifs sont supposés nous apporter. Grâce à eux nous croyons reprendre la maîtrise de notre temps, comme lorsque nous décidons de l’heure à laquelle nous allons regarder une émission. Mais qu’est-ce que cette liberté lorsque finalement nous restons collés à nos écrans ? Dans ce monde techno-libéral, celui qui fixe le rythme détient le pouvoir car tous les autres n’ont plus comme seule occupation que de s’y adapter.

Extrait de L’accélération technocapitaliste du temps – Renaud Vignes – Edition R&N