La Justice est un mot piégé entre factuel et ressenti par le citoyen. En effet dans son sens judiciaire, elle a un rapport avec l’application des lois, alors que dans le sens du commun, elle rime avec « justesse » et est voulue par les citoyens avec équité et égalité.

La justice est la recherche de la vérité, rien que la vérité. Elle doit rendre ses jugements dans le sens de l’égalité en appliquant la loi et les procédures. Pour être juste en matière d’équité elle applique cette loi en fonction de chaque situation. Une injustice faite ne fût-ce qu’à une seule personne et relayée par les médias est une menace pour tous, créant par là même le manque de confiance envers tout le système judiciaire.

La justice est non seulement un droit, mais un besoin essentiel de l’humain. Elle ne se donne pas comme un vêtement ou du sang, mais elle « se rend au nom du peuple ». Elle est constituée d’un ensemble de mesures préventives, répressives et d’accompagnement censées protéger le citoyen et la société.

Lorsque le citoyen lambda réclame plus de justice, il ne précise pas toujours de quelle justice il parle. Parce que cette justice tient plus du ressenti que du factuel. C’est à la fois la justice des tribunaux, la justice sociale et un profond sentiment d’injustices relevant du passe-droit englobant sans qu’il puissent l’expliquer, mélangeant la corruption et des exceptions de toutes sortes. Si certains « privilèges » sont bien acceptés parce qu’ils font parties de cette équité qui nous rend égaux avec la protection des enfants, des femmes enceintes, des personnes âgées, etc.., d’autres « privilèges » le sont beaucoup moins.

Alors continuant à tout mélanger, il se pose ces questions :

Est-ce acceptable qu’un enfant soit obligé de voler pour subsister dans nos sociétés d’abondance ?
Est-il juste qu’une catégorie de Français paie pour pouvoir polluer et que les autres subissent leur pollution ?
Peut-on dire qu’il y a une justice lorsqu’un homme ou une femme se retrouve avec une saisie qu’elle soit mobilière ou sur salaire alors qu’il ne peut payer ?
Est-il juste que des personnes se rendent insolvables intentionnellement pour ne pas dédommager un préjudice ?
Et bien d’autres encore ….

Ce sont les petites choses du quotidien, qui accumulées lui donnent ce ressentiment de « ras-le-bol » et d’injustice, cette perte de confiance. Les enfants ont une phrase qui résume bien cet état : « c’est pas juste » – « le monde n’est pas juste ».

Notre justice est accusée de laxisme. Pourtant elle applique un code pénal qui déborde, les prisons sont saturées. Les citoyens réclament encore plus de condamnations, mais sont cléments pour une femme battue qui tue son conjoint, et demandent au Président d’intervenir pour revenir sur un jugement. Justice sereine et vox populis ne font pas bon ménage. Si la victime avait pu trouver auprès de la justice une compensation par une prise en charge dès le commencement des faits et que le conjoint avait du payer cette compensation, cette femme n’aurait pas tuer son mari.

Ce que la plupart des citoyens ignore, c’est que la pratique dite des arrêts de règlement, est interdite à la Cour de cassation, comme à toute autre juridiction française, par l’article 5 du code civil selon lequel « il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». C’est donc au fur et à mesure des problèmes soulevés par les moyens que peut se développer la jurisprudence. Ainsi est-ce en étant à l’écoute de la société française – et maintenant européenne – que la Cour dit le droit en l’adaptant aux évolutions de cette société, qu’elles soient politiques, sociales, économiques, internationales, techniques, ou même technologiques : la diversité des questions qui lui sont posées la conduit à donner de façon équilibrée et cohérente une réponse à la plupart des difficultés que peut poser l’interprétation du droit. 1

Bien que la Justice adapte ses réponses à la société d’aujourd’hui il ne faudrait pas confondre la Justice des tribunaux avec la justice sociale que tout individu recherche dans ses besoins pas plus qu’avec une « justice de moralité » que les citoyens réclament de plus en plus, celle-ci évoluant avec le temps et la société.

La justice ou plutôt un sens moral de justesse est un besoin impératif. Lorsque le citoyen cherche la justice, il ne cherche pas l’application de la règle légale, il vient chercher – que ce soit auprès du tribunal, des assurances, des aides sociales – une « réparation » à son préjudice, que cette réparation soit morale ou financière.

Pour pallier ce manque de confiance, la prise en charge de la victime doit se faire en même temps que la recherche du coupable du préjudice. La victime, qui peut être traumatisée ne doit pas être seule face à l’administration. Les déclarations, souvent informatisées sont pour beaucoup un véritable casse-tête. La prise en charge, la compensation, la réparation doivent être traités dans les plus brefs délais. Tout comme l’état prends en charge un accidenté de la route avec la chaîne de la police, des pompiers, des soignants, la communauté devenant réparatrice des dommages causés à l’un des siens, tout préjudice devrait être, de la même façon pris en charge. Le sentiment de réparation doit être ressenti par la victime. Redonner confiance dans la justice est le but de la compensation.

Cette idée de justice réparatrice remonte au Haut Moyen âge irlandais, où une partie importante des textes juridiques porte sur les moyens d’éviter les disputes par des contrats. Les obligations sont renforcées par trois types de garants dont nous retiendrons le garant exécuteur représentée, le garant payant et le garant otage qui s’engage solidairement avec quelqu’un. Ces « contrats couvrent tous les préjudices dans tous les domaines de la vie courante ; les accidents et les dégâts que peuvent causer des animaux, que ce soit un mouton dévoré par un loup ou un chien attaquant un enfant, l’utilisation des cours d’eau, la qualité des services, ainsi que tout événement criminel, terroriste. ou naturel tels inondation, tremblement de terre, etc …

La teneur de ce traité est claire : « chaque inégalité doit trouver sa contrepartie » ce que nous traduirons par : chaque préjudice doit trouver sa compensation.

Comme dans chaque société, en dépit de toutes les précautions, les « dérapages » étaient inévitables et les textes édictaient diverses procédures pour les résoudre : médiation, contrainte et répression.