Le dimanche 9 juin 2024, lorsque le Président Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et fixe le premier tour des élections au 30 juin 2024, c’est un choc immense. La France accueille l’Europe pour le Tour de France le 29 juin et le monde entier pour les Jeux olympiques le 26 juillet. L’Ukraine vacille et appelle à l’aide, le Proche-Orient est en feu, le pays est menacé de toutes parts par des attentats et une propagande saturante et… notre Président fait un énième caprice ! Je ne suis pas de ceux qui critiquent l’appel au peuple, bien au contraire, mais une campagne en septembre aurait été bien plus opportune. D’autre part, dans une dissolution de ce type, le panache gaullien aurait été de sceller son mandat à celui du résultat de l’élection. Et bien soit, nous n’aurons ni panache, ni ordre, ni sécurité, mais le chaos.
Cette dissolution n’est pas un appel au peuple mais un énième calcul politicien, une énième communication marketing, un « storytelling » qui se croit impeccable où le président Macron déchaîne un chaos épouvantable lui-même pour dire deux jours après qu’il est le seul recours. Voyez-vous ça ?! Notre pompier pyromane n’en est pas à son coup d’essai, mais là, les ficelles sont vraiment trop visibles ; cet homme est un extrémiste comme les autres, en pensant qu’en générant du chaos, il ramassera la mise. Il s’agit d’un extrémiste du centre, et je pense qu’il faudra inventer un mot pour ça, plus tard, pour caractériser ce moment maudit. Peut-être, comme Machiavel qui donna naissance au mot machiavélique, le président Macron donnera naissance au mot « macronique » : « qui génère le chaos en se réclamant de ceux qui le combattent ».

L’union

En tant que fondateurs du Cercle Sully Blanche de Weerdt et moi-même avons été assaillis de demandes et d’injonctions à l’action de nos membres et des nombreux sympathisants de notre think tank. Seulement voilà, nous ne sommes pas un parti politique mais un laboratoire d’idées, et notre ADN républicain est apartisan. Le Cercle Sully est centré sur le bien commun et la génération de solutions pour le pays. C’est aux candidats, une fois nos publications disponibles, de soumettre ces solutions au vote citoyen. Alors, que faire ?

Se respecter et se dépasser

Les listes citoyennes sont un espoir pour notre pays. Pour ceux qui ne les connaissent pas, sachez qu’il y en a des centaines soutenues par des centaines de petits partis très actifs. Lorsqu’on se désole des partis très connus et de leurs tambouilles électorales et de leurs arrangements avec la démocratie, il faut savoir que sous la ligne de vue des partis agissent, avec des méthodes démocratiques et motivation. Seulement voilà, sans visibilité nationale, presque personne ne s’intéresse à eux. D’autre part, comme pour les élections européennes, ces partis n’arrivent pas à s’entendre et finissent par produire une offre trop riche et illisible pour les citoyens qui préfèrent voter pour des projets plus « lisibles » (37 listes dans les élections européennes 2024 !).
Le bien commun, l’union et le respect des sensibilités politiques sont au cœur du Cercle Sully. Il y avait donc quelque chose à faire dans le respect de ce que nous sommes, et il fallait le faire vite !

Nous avons donc contacté un grand nombre d’associations et partis politiques citoyens pour leur proposer la chose suivante :

  • Le Cercle Sully est apartisan et nous soutiendrons toutes les candidatures de citoyens respectant ce qui suit.
  • Se mettre d’accord sur un socle commun de 5 points et s’engager à se battre pour lui devant les citoyens. Un socle n’est pas un programme, il s’agit à minima de la reconnaissance de 5 sujets très importants pour les Français sur lesquels les citoyens candidats s’engagent à travailler et à apporter des solutions. Libre à eux de compléter ce socle avec leur vision plus personnelle dans leur profession de foi afin d’être transparent sur leur vision politique.
  • S’engager à ne pas utiliser d’insultes ou de diffamation pendant la campagne.
  • S’engager dans les 12 mois à écrire et publier un essai politique sur le Cercle Sully qui nourrira les autres citoyens sur le sujet de votre choix.

Leur accueil a été formidable et leur travail acharné à la hauteur. Toutes ces associations en perpétuel conflit sur des détails ont su se mettre d’accord sur les 5 points en ajoutant une dernière contrainte encore plus formidable : Les députés retranscriront fidèlement le vote de leur circonscription dans leur vote. En d’autres mots, fini le temps du vote des partis, bonjour le temps du vote des Français retranscrit fidèlement par leur député. Une petite mesure et c’est une révolution !

Cette réussite collective, pourtant déjà exceptionnelle, ne fut que le début d’un parcours atroce pour les citoyens candidats. Plutôt que d’effleurer ces étapes, je vous propose de les vivre, au jour le jour, dans mon journal de campagne ci-dessous. En effet, pour accompagner ce mouvement impressionnant, il me tenait à cœur de vivre cette campagne de l’intérieur aux côtés de tous, et j’ai décidé de me lancer dans une candidature en indépendant dans la circonscription où j’habite (toujours ce côté Cercle Sully 😉).

Journal d’un citoyen candidat

9 juin

18h00 – Les résultats sont décevants pour la plupart des listes citoyennes. Aucun de leur représentant n’était dans les débats, encore ce plafond de verre, cette invisibilité frustrante pour chacun d’eux. Tout le monde est très fatigué, demain ce sera les calculs et les pleurs : comment rentrer dans ses frais ?

20h00 – Coup de tonnerre ! La dissolution demain, un vote le 30 juin. À la fatigue de la campagne passée s’ajoute la stupeur du moment.

20h30 – WhatsApp crépite sur mon téléphone, ce n’est plus un téléphone mais un sapin de Noël. Blanche m’appelle, la situation n’est pas habituelle, quelque chose se passe. À la stupeur s’ajoute la colère et l’incompréhension. 20 jours ! Qu’est-ce que vous voulez faire en 20 jours ?! Cet homme a perdu toute raison, il nous plonge dans le chaos. Où est la démocratie quand vous avez un couteau sous la gorge ?! La nuit va être courte…

10 juin

1h00 – Une stratégie se dessine, il faudra la soumettre dans la journée à nos contacts dans les partis citoyens. Le Cercle Sully proposera 12 points issus des débats et publications transpartisannes. De ces 12 points, nous leur demanderons d’en choisir 5 et de les amender si nécessaire pour obtenir l’assentiment général. En plus de cela, nous proposerons une éthique de campagne basée sur notre propre éthique : respect, écoute, courtoisie, sans insultes ni diffamation. En échange, le logo du Cercle Sully sera apposé sur les candidatures, une marque de confiance et de sérieux pour l’électeur.
Blanche et moi-même n’osons y croire, mais ça vaut le coup d’essayer. Pour l’instant, il faut dormir afin d’avoir l’esprit clair tout à l’heure.

3h30 – Blanche travaille d’arrache-pied sur le document. Nous allons le proposer sous forme de socle ; pas un programme, un socle que chacun pourra enrichir à sa guise, mais ce socle sera notre cheval de bataille.

7h30 – Revue du texte en commun. Oui, c’est le bon, cela représente bien les sujets importants aux yeux des citoyens avec qui nous échangeons au quotidien.

9h00 – Le texte est en route, s’il y a un Dieu, c’est le moment de donner un petit coup de pouce. Je commence ma journée de travail (et oui, comme tout citoyen normal…) pendant que Blanche appelle tout le monde. Blanche est une retraitée suractive, je ne sais pas ce que je ferais sans elle. Bien sûr, nous sommes en relation sur WhatsApp, l’accueil est très favorable, c’est fantastique, quelque chose se passe vraiment. Ce soir, nous parlons avec Roger, le premier regroupement de partis et associations citoyennes avec lequel nous échangeons. Nous le connaissons et apprécions ses retours, son avis est important à nos yeux.

20h00 – Google Meet, quand tu nous tiens, la vidéoconférence commence, j’ai l’impression d’être à l’oral du bac.

21h00 – L’affaire est entendue, c’est la bonne stratégie et Roger nous aidera à convaincre les nombreuses associations et partis citoyens. Il pense que nous avons enfin une bonne approche et que seul le Cercle Sully, en dehors de la mêlée, peut mener à bien cette stratégie.
Nous peaufinons le texte, préparons la communication, demain est un autre jour. Le travail va commencer.

11 juin

8h00 – Blanche passe sa matinée au téléphone et sur messagerie, il faut contacter tout le monde et se parler. Le temps presse et il y a tant à faire. Ce soir à 21h00, nous réunissons les premiers. Grégoire est clé dans la réunion de tous, il faut un maximum de membres de partis ou de collectifs. Aucun n’est un représentant officiel car ils n’ont pas de mandats, mais ce sont des gens influents et respectés par leurs communautés. On ne badine pas avec la démocratie ici.

21h00 – La réunion Google Meet commence. Voici une communauté habituée aux railleries et à l’humiliation des médias et des foules. On n’arrive pas ici en terrain conquis mais on fait preuve d’humilité et de compréhension. On leur reproche quoi ? D’aimer la liberté et de défendre la démocratie, un crime bien étrange en vérité… Je leur ressemble et le Cercle Sully a été créé pour eux, pour apporter profondeur et raison à leurs démarches. Maintenant, il faut leur présenter, choisir les mots et convaincre de sa bonne foi. Chacun d’eux a été trompé mille fois, humilité et empathie seront la clé de cette réunion. Pourtant, il faut faire vite et se mettre d’accord, mais pas ce soir, ce soir on fait connaissance.

12 juin

1h00 – Le principe proposé par le Cercle Sully est acté. Sur les 12 articles proposés, à peine 5 sont scrutés et passés à la loupe. La méthodologie pour le choix que j’ai proposé n’est pas à la hauteur du défi. Grégoire est un bien meilleur connaisseur de ces réunions que moi, demain il prendra les choses en main.

2h00 – Le débrief avec Blanche est encourageant. Beaucoup de signaux sont au vert, nos interlocuteurs deviennent moteurs. Nous sommes fatigués mais heureux. Encore un peu de travail et au lit. Il est clair dans mon esprit que je dois accompagner les futurs citoyens candidats, ma candidature dans la 6ème circonscription du Loiret doit se concrétiser dès aujourd’hui.

8h00 – Encore une journée de téléphone pour Blanche et pour moi tout en assurant ma journée de travail. Ce n’est vraiment pas le moment de prendre des congés donc je mène les deux de front, les nuits sont courtes.

Je découvre le livret du candidat, 81 pages de réglementation et contraintes. Il faut ouvrir un compte bancaire de campagne avec un mandataire financier, imprimer la profession de foi et les bulletins de vote en 100 000 exemplaires ainsi que les affiches et les faire livrer à 100 km de là. Trouver une colistière qui acceptera de m’accompagner avec un préavis de 24 heures… autant vous dire que le choc de mes amies face à une telle proposition est réel, surtout avec un préavis si court.

21h00 – Adieu Google Meet, bienvenue à Jitsi Meet. J’ai tout à apprendre de leur organisation et leur capacité à travailler ensemble. Grégoire prend les choses en main et je suis le mouvement. Je deviens plus incisif, il faut aboutir à un résultat et se mettre en ordre de marche, les candidatures doivent être finalisées dimanche.

22h00 – Francis Lalanne se connecte et intervient sur la démocratie. C’est pertinent mais hors sujet du jour. Pas grave, cela fait du bien de voir les bonnes volontés abonder. Nous sommes une assemblée d’anonymes, c’est toujours irréel de voir arriver une célébrité. Le Cercle Sully n’a rien à apporter à Francis Lalanne, sa célébrité est acquise, en revanche nous devons faire connaître tous les autres.

13 juin

1h00 – Nous arrivons à une scission, je suis déçu. Si une partie des personnes présentes sont pour ces 5 points pour lesquels nous avançons, une autre partie n’est en accord que sur le premier et plus gros point : « la démocratie renouvelée ». Fin de la réunion, nous continuerons demain.

2h00 – Débrief avec Blanche, ce n’est déjà pas si mal, restons positifs. Le premier bloc est essentiel et il peut être mis en œuvre tout de suite. D’autre part, nous trouverons des alliés dans l’hémicycle sur ces mesures. Néanmoins, nous restons persuadés que cela est insuffisant pour convaincre les Français de nous faire confiance. Ce soir, nous travaillerons pour aller jusqu’au bout de la démarche.

7h30 – Un très bon ami accepte d’être mon mandataire financier.

11h00 – Ma banque accepte l’ouverture d’un compte de campagne pour moi à un prix très raisonnable. Ouf ! Il leur faut le récépissé de la préfecture pour poursuivre.
Après une longue réflexion, je propose à la femme idéale de me suivre dans cette aventure politique. Elle n’est pas de la circo mais je ne doute pas de son engagement si elle devait me remplacer. Bien sûr, il lui faut quand même quelques heures pour réfléchir et elle reviendra vers moi demain.

15h30 – Une imprimerie accepte de faire les impressions, payable d’avance. 5 800 € en noir et blanc, recto seul…. Wouah !! La décision doit se faire dans les 24 heures, les créations disponibles samedi matin au plus tard pour des impressions mardi. Tout ceci doit être livré dans une préfecture à 100 km de là avant 18h00 mardi, mais l’imprimeur me dit qu’il n’a plus de camions et que je devrais m’occuper de la livraison moi-même. Une palette de papier, j’imagine facilement 300 à 600 kilos et il y en a deux.
Je demande aux autres candidats autour de moi : quand il y a les camions, il n’y a plus de papier ou vice versa. Quand il y a les deux, le prix est plus proche de 8 000 €. Mais enfin comment réunir une telle somme en 48 heures ? Et qui peut réunir une telle somme sans espoir d’être rembours en cas de défaite ? Le filtre n’est pas sur le sérieux d’une candidature mais sur la fortune du candidat.

21h00 – Jitsi Meet, quand tu nous tiens. La scission est actée mais ce n’est pas vraiment un problème. Ceux qui acceptent uniquement le premier bloc sur la démocratie partiront avec le logo de la coalition citoyenne. Ceux qui acceptent les 5 partiront avec le logo de l’incubateur citoyen du Cercle Sully. Le mieux est l’ennemi du bien, je suis donc très satisfait du résultat et je me dis qu’ils ont une chance d’envoyer des députés enfin.
Le reste de la réunion se concentre sur le côté matériel des candidatures et avec qui se regrouper pour avoir une chance de récupérer la mise un jour. Si la France est la championne toutes catégories de la bureaucratie dans le monde, le financement des partis politiques et candidats est le pompon rouge tout en haut de la pyramide bureaucratique française. Je ne souhaite à personne d’avoir à faire face à une telle discussion un jour. Si l’argent ne vous a pas arrêté, faites confiance à la fée bureaucratique française pour vous couper les jambes. Sans un expert-comptable et un avocat à demeure, impossible de s’y retrouver.
Cela fait plus de sept ans, voire plus pour certains, que les personnes qui m’entourent font face à cela et avancent patiemment avec leurs économies et leur intelligence pour notre liberté à tous. Cela force le respect.

14 juin

1h00 – Nous sommes intellectuellement en ordre de marche, les rouages doivent s’activer maintenant. Ce sera l’objet de la prochaine réunion demain soir.

2h00 – Débrief avec Blanche. Les dés sont jetés, nous avons fait le maximum et accompli en 4 jours, tous autant que nous sommes, un réel exploit.

8h30 – Ma future colistière refuse l’obstacle. Ses arguments sont tous parfaitement justifiés. Elle craint de perdre son travail et de ne pas en retrouver. Ses enfants qui vont entrer à l’université ont besoin d’elle et d’un salaire stable. Si elle me remplace à l’Assemblée et qu’il y a une nouvelle dissolution, elle sera dans une situation encore plus précaire et personne ne voudra embaucher quelqu’un qui fait de la politique. Enfin, elle se sent éloignée de la circonscription et craint de ne pas bien s’occuper des personnes comptant sur elle. Bref, c’est justement pour cela que je désirais qu’elle m’accompagne, justement parce qu’elle est une personne responsable et loyale ; donc aucun argument pour lequel je ne peux vraiment la rassurer, en tout cas pas en aussi peu de temps.
Ce refus que je comprends parfaitement me fait réfléchir à quel point nous sommes tous victimes d’un chantage, un coup de force institutionnel, une sorte de république avec un pistolet sur la tempe où seuls les plus forts et les plus riches gagnent. Je commence à comprendre concrètement pourquoi seuls les fonctionnaires protégés dans leur statut quand ils font de la politique et les professions libérales sont représentés à l’Assemblée. Les autres ne peuvent s’exprimer qu’à leurs dépens.

12h00 – Je ne peux pas présenter ma candidature dans de bonnes conditions. Sortir 5 800 € pour les impressions et 1 500 € pour l’inscription de ma poche hypothèque l’avenir de ma famille à court terme. Je n’ai ni le temps de trouver une colistière et la convaincre du bien-fondé de la démarche, ni le temps de faire une levée de fonds, ni le temps de faire un prêt. Je suis amer et en colère mais tout ce ressentiment va bien vite s’estomper. Ma priorité est maintenant de faire gagner ceux qui se présentent sous les couleurs de la liberté.

20h00 – Le site de campagne est prêt. Le Cercle Sully inaugure sa nouvelle chambre : l’Incubateur citoyen (https://cercle-sully.org/incubateur-citoyen/) pour faire des candidatures citoyennes des alternatives crédibles au spectacle navrant des partis politiques en place. Chacun de ces partis en place participe du chaos en se drapant dans la toge du sauveur. Il faut mettre un terme à cette mascarade du pompier pyromane et revenir à nos fondamentaux républicains. Un député représentant du peuple votant conformément au peuple.

Ni extrêmes, ni Macron !

Jérôme Moreels

Jérôme Moreels

Co-fondateur du Cercle Sully

À l’origine, avec ses co-fondateurs, du mouvement de renouveau démocratique incarné par le Cercle Sully, dont il est le président. Expert reconnu en systèmes d’information et e-commerce, il a co-écrit ‘Un défi pour 2030’. Humaniste engagé, marié et père de trois enfants, il défend avec passion les valeurs démocratiques et patriotiques de la France.