La solidarité à l’épreuve : Est-il temps de redéfinir l’équité en France ?

par | Mai 12, 2024 | Blog, Citoyenneté, Croissance, Définition de la Nation, Droits salariaux, Economie, Fiscalité et impôts, Impôts et fiscalité, Organisation du travail, Solidarité | 0 commentaires

La solidarité n’a de sens que si elle est juste et, dans ce cas, elle sera durable
J. Moreels

Co-fondateur, Cercle Sully

Liberté, égalité, fraternité : ces principes sont les piliers de notre nation, mais qui questionne l’équilibre entre l’égalité et la fraternité ? La solidarité, fondamentale dans notre société, ne doit-elle pas être également juste pour être durable ? La fraternité nous incite à considérer chaque concitoyen comme un frère. Mais confrontons-nous à une réalité parfois troublante :

Imaginons un frère qui n’a jamais pris au sérieux ses études, qui a toujours privilégié le loisir à l’effort, et qui, chaque mois, vient solliciter de l’argent car il ne parvient pas à subvenir à ses besoins par lui-même. Cette situation, bien que fictive, illustre un parallèle avec notre système actuel d’aides sociales. Il n’est pas question ici des individus aux prises avec des handicaps ou des maladies, ni de ceux qui cherchent ardemment un emploi. Cependant, parmi les chômeurs, certains, même en période de faible taux de chômage en France, semblent correspondre à ce profil. Le taux de chômage le plus bas en France est à 7% soit plus de 2 millions de personnes sur une population active de 29,7 millions. Est-il juste que la solidarité nationale soutienne ceux qui choisissent délibérément de ne pas contribuer ?

Bien qu’il soit mon frère et que je l’aime, je crois fermement qu’il doit trouver un emploi et assumer ses responsabilités. En périodes difficiles, je suis prêt à l’aider, mais cela devrait compléter son effort personnel, et non le remplacer. C’est ici que la liberté, le troisième pilier de notre devise républicaine, entre en jeu. Chaque citoyen est libre de mener sa vie comme il l’entend, y compris de choisir de ne jamais travailler. Toutefois, pourquoi serait-il de ma responsabilité de subvenir aux besoins de quelqu’un qui fait ce choix de vie ? Chacun devrait assumer les conséquences de ses décisions. Cela semble évident, et pourtant, notre approche collective suggère le contraire.

Le choix de l’idiot

Le « choix de l’idiot » fait référence à une décision simpliste qu’on tente de nous imposer, alors qu’elle ne devrait pas se présenter comme telle. Prenez, par exemple, cette question : dans votre vie, choisissez-vous de boire ou de manger ? L’idiot se sent contraint de choisir et opte soit pour boire, soit pour manger, alors que la seule décision sensée serait de rejeter cette fausse dichotomie pour chercher un moyen de faire les deux. Un choix nous est imposé là où il ne devrait pas y en avoir.

Dans l’expérience de pensée précédente du frère, nombreux sont les lecteurs qui auront ressenti un certain malaise, la trouvant peut-être démagogique. Certes, la majorité des chômeurs sont réellement en difficulté et activement à la recherche d’un emploi ; mais quelle est exactement cette majorité ? Combien, parmi eux, sont véritablement sincères dans leur démarche et leur contribution à notre société ? Il est difficile de répondre précisément à cette question. Cela nous amène au “choix de l’idiot” : puisque personne ne peut répondre avec certitude, nous minimisons ceux qui profitent du système et nous n’implémentons rien pour sortir ces individus d’un système aussi généreux que le nôtre, de peur d’affecter les “innocents”. Cette fin de non-recevoir est une réponse trop souvent entendue.

Il est toujours plus aisé de faire ce choix avec l’argent d’autrui, surtout lorsque rejeter ce choix nécessiterait du courage et de véritables réformes. C’est pourtant l’un des choix qui sape le plus profondément notre société car il incarne une profonde injustice. Refuser ce choix et rechercher une solution juste et conforme à nos valeurs nous oblige à nous confronter à des questions difficiles dans un contexte social complexe. Si une solution simple existait, elle serait probablement déjà mise en œuvre. C’est néanmoins un exercice auquel nous nous devons de nous atteler ; nous allons donc explorer des thèmes tels que le travail, la quantité de travail, le pouvoir d’acheter, le logement, les transports et l’énergie afin de construire une solution adaptée à la France.

Le travail : un écosystème dynamique, non un gâteau à partager

Il est crucial de mettre un terme à la comptine du gâteau lorsqu’on parle de travail. Contrairement à l’idée reçue, la quantité de travail n’est pas une masse fixe à se partager ; le travail génère du travail, créant ainsi de la richesse. Illustrons cela avec l’exemple d’un ouvrier du bâtiment au chômage qui retrouve un emploi.

Le cycle vertueux du retour à l’emploi

Lorsque cet ouvrier commence à travailler sur un nouveau chantier, il utilise un moyen de transport, ce qui augmente les recettes pour les transports en commun, ou entraîne peut-être l’achat d’un nouveau vélo, stimulant ainsi le marché local. Ce simple déplacement accroît la demande d’énergie, générant plus de travail pour ceux qui œuvrent dans le secteur des transports et de l’énergie.

À l’heure du déjeuner, il achète un sandwich au jambon : cela se traduit par une demande accrue pour les baguettes du boulanger, le porc de l’éleveur, le blé de l’agriculteur, et bien sûr, pour le travail de celui qui prépare le sandwich. En fin de mois, avec son salaire, il peut s’acheter la chemise qui lui faisait envie, augmentant ainsi l’activité du commerce local, des confectionneurs, des tisserands et des producteurs de coton.

Cet exemple montre comment le travail de cet ouvrier stimule une chaîne d’activités économiques, démontrant que le travail engendre du travail et crée de la richesse. Plus les citoyens travaillent, plus le « gâteau » du travail croît. Bien que cela puisse paraître contre-intuitif, le travail n’est pas une ressource limitée ; c’est plutôt la disponibilité de main-d’œuvre qui peut l’être.

Pourquoi le chômage de masse persiste-t-il en France ?

Explorons l’exemple de notre ouvrier dans le contexte français pour comprendre les entraves au plein emploi :

Si le chantier est trop éloigné, le coût de transport peut dépasser ce que le salaire de l’ouvrier peut couvrir, le temps de trajet réduit sa productivité en augmentant sa fatigue et son stress, et son pouvoir d’achat est fortement grevé par tout ceci. La distance entre le domicile et le lieu de travail, ainsi que le coût et l’efficacité des transports et du réseau sont donc cruciaux. L’amélioration des infrastructures de transport et la réduction des coûts énergétiques sont essentielles.

Déménager plus près du lieu de travail pourrait être une solution, mais cela implique des risques et des coûts, surtout si l’ouvrier bénéficie d’un logement social difficile, voire impossible, à obtenir dans une nouvelle région. De plus, la situation de son conjoint et l’accès à l’éducation pour ses enfants sont à prendre en compte.

Les barrières internes à l’emploi

Hormis les secteurs moins affectés par la concurrence internationale comme le tourisme et la restauration, de nombreux métiers sont impactés par des coûts de production supérieurs comparés à ceux de concurrents internationaux ; on parle ici principalement du salaire et de l’énergie. Si produire un bien ou un service coûte significativement plus cher en termes d’énergie et de salaires que chez les concurrents étrangers, la capacité à rester compétitif s’érode rapidement. La concurrence international tue l’entreprise locale ainsi que les compétences qui étaient utilisées dans cette entreprise.

Ce cercle vicieux a miné notre tissu économique au fil des décennies. Aucun gouvernement n’a pris de mesures décisives pour maintenir une base industrielle solide en France. Même notre agriculture, autrefois fer de lance de l’économie française périclite. La loi sur les 35 heures de Martine Aubry, a malheureusement contribué à un partage inefficace d’un « gâteau » mal compris, exacerbant le problème du chômage de masse. Une révision humoristique intitulée « Martine à l’usine » aurait peut-être offert un peu de légèreté à cette triste réalité économique.

Salaire ou revenu minimum ? Un débat central dans la politique de l’emploi

Lorsqu’il s’agit d’entraves à l’emploi, le salaire mérite une attention particulière. Selon le point de vue, les attentes varient considérablement : tandis que l’entreprise vise à maintenir les salaires aussi bas que possible pour rester compétitive, le salarié aspire naturellement à un salaire élevé. Le salaire qui en résulte se détermine souvent par les forces du marché : l’employeur augmente le salaire jusqu’à attirer des candidats qualifiés, tandis que le salarié peut être amené à réduire ses prétentions pour décrocher un poste.

Cependant, cette dynamique est complexifiée par l’intervention réglementaire, notamment par l’instauration du salaire minimum. Cette mesure, originellement adoptée en Nouvelle-Zélande en 1909, est conçue pour garantir un revenu minimal aux travailleurs, mais elle pose des défis significatifs. En France, plus de 17% des salariés gagnaient le salaire minimum à la fin de 2023, ce qui soulève des questions sur l’efficacité de cette politique. Le salaire minimum, souvent perçu comme un acquis social, peut en réalité contrarier les initiatives industrielles, surtout dans les secteurs produisant des biens de première nécessité.

Prenez un moment pour observer autour de vous et réfléchissez à ce qui est produit en France à moins de trois mètres de vous. Vous constaterez probablement que peu de ces produits sont fabriqués localement, ce qui illustre les défis auxquels nos industries sont confrontées.

Repenser la solidarité nationale et le rôle des entreprises

La question fondamentale est celle de la nature de notre solidarité nationale. Qui devrait garantir un revenu décent aux citoyens : les entités juridiques anonymes que sont les entreprises, ou les citoyens eux-mêmes ? Il est évident que la responsabilité incombe à la nation entière, et non aux entreprises seules.
Les entreprises doivent être encouragées à opérer sur notre territoire, non seulement pour fournir de l’emploi, mais aussi pour générer des profits que l’État peut taxer et redistribuer sous forme de services et de soutien aux citoyens qui en ont besoin. Ce modèle économique, bien que simple en théorie, se heurte souvent à des pratiques contraires dans la réalité.

Vers un modèle économique plus inclusif

Au lieu de se limiter à imposer un salaire minimum, il serait peut-être plus judicieux de viser un revenu décent pour tous, qui pourrait prendre la forme d’un revenu minimum garanti, dissocié des salaires. Ce système permettrait de soutenir les citoyens sans imposer un fardeau disproportionné aux entreprises, favorisant ainsi un environnement plus propice à l’innovation et à la croissance économique.

En résumé, repenser la manière dont nous abordons la question des salaires et du revenu minimum pourrait conduire à une économie plus dynamique et plus équitable, où chaque citoyen a la possibilité de vivre dignement, soutenu par une communauté nationale solidaire.

Un environnement propice au développement

Après avoir discuté des limitations imposées par le salaire minimum, il est crucial d’aborder d’autres obstacles qui, s’ils ne sont pas résolus, continueront de freiner notre progrès. L'”éconosystème” français doit évoluer pour devenir un cadre stimulant qui répond à nos besoins et favorise les découvertes ainsi que le bien-être de tous les êtres vivants. Pour y parvenir, une économie robuste et productive est indispensable, capable de nous soutenir face aux défis du 21ème siècle.

Une énergie abondante et accessible

« Non, Monsieur ! L’énergie est quelque chose dont nous devrions nous passer, et de toute façon, elle sera chère ! Mettez un pull et prenez le vélo! » Ce genre de réflexion rappelle le « choix de l’idiot ». Si le projet Superphénix n’avait pas été arrêté, les centrales à neutrons rapides au thorium seraient déjà opérationnelles en France. Ces centrales, pratiquement sans danger, pourraient même recycler les déchets les plus radioactifs des centrales nucléaires actuelles, comme le plutonium, éliminant le besoin d’enfouissement permanent. Le thorium, abondant en Europe et disponible en quantité en France, pourrait alimenter notre continent pour les mille prochaines années. Cela nous donnerait largement le temps de maîtriser la technologie des centrales à fusion, susceptibles de fournir l’énergie nécessaire pour les 100 000 prochaines années.

Nous n’avons pas besoin de moins de citoyens ni de moins d’économie dans une décroissance suicidaire, mais plutôt de plus d’esprits brillants, d’ingénieurs et d’enthousiasme pour les défis à venir. Il est temps d’accélérer nos recherches et d’investir dans les technologies qui nous aideront à franchir ces caps. Peut-être qu’un livre intitulé « Martine à l’université des sciences » serait plus utile que « Martine balance de la soupe sur les œuvres d’art », qu’en pensez-vous ?

Transport : vers une société éther

Les 19ème et 20ème siècles ont apporté des révolutions extraordinaires dans les transports. Nous sommes passés d’un monde où l’autre village était souvent le bout du monde pour 95% de la population, à un monde où plus de 50% des gens peuvent envisager de voyager à l’autre bout de la Terre au cours de leur vie. Nous avons exploré le sol de la Lune, de Mars, et de nombreuses autres lunes du système solaire.

Nous sommes passés d’un monde visqueux où le mouvement était difficile et coûteux à un monde fluide où se déplacer est devenu simple. Cette ère a apporté d’incroyables opportunités, une connaissance et une découverte des autres, à l’échelle individuelle. C’était une chance, une révolution dont l’humanité n’osait rêver. Nous pouvons maintenant progresser vers un état gazeux, une société éther, où le transport n’est plus un obstacle mais une évidence. Les destinations doivent être rapidement accessibles et à moindre coût. Cela nécessite une volonté réelle d’investir dans nos infrastructures, une complémentarité des moyens de transport sans dogmatisme aveugle, et un enthousiasme pour avancer.

« Non, Monsieur ! Soit c’est le vélo, soit c’est la marche à pied ! Et le village d’à côté c’est déjà loin ! » Nous avons pourtant des choix plus audacieux à faire.

Le logement

L’arlésienne française ! Le logement est un sujet vaste qui mériterait une analyse détaillée à part. Pour l’instant, disons simplement que tout doit être revu, du sol au plafond. Accompagner les familles dans leur recherche de logement et leur garantir les mêmes prestations lors de leurs déménagements pour un nouveau travail est crucial. C’est plus qu’une nécessité ; c’est une formidable opportunité de réaménager le territoire français et d’inverser la désertification de certaines régions. Mais tout cela est une autre histoire à raconter prochainement.

Conclusion

Notre exploration des dynamiques sociales et économiques actuelles nous montre qu’une réévaluation profonde de notre système est non seulement nécessaire mais urgente. Face aux défis contemporains, l’approche traditionnelle de la solidarité doit être repensée pour garantir équité et efficacité. Nous avons vu comment des concepts mal appliqués comme le salaire minimum peuvent paradoxalement entraver la croissance économique et l’emploi, tandis que les solutions énergétiques et de transport pourraient révolutionner notre manière de vivre et travailler ensemble.

Il est temps de poser les bonnes questions et de chercher des réponses innovantes qui embrassent pleinement nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Chaque citoyen doit être acteur de cette transformation, non pas en spectateur passif, mais en participant actif, prêt à repenser son rôle au sein de la société. Nous avons évoqué des pistes possibles, mais ce dialogue doit se poursuivre, s’enrichir d’idées neuves et de perspectives diverses pour que le changement soit réel et durable.

Au cœur de ce renouveau, se trouve l’impératif de réconcilier la croissance économique avec la justice sociale, de valoriser chaque individu non seulement comme un travailleur ou un consommateur, mais comme un membre à part entière de la communauté. Les questions de l’emploi, de l’énergie, du logement et des transports ne sont pas de simples enjeux techniques mais des questions profondément humaines et politiques qui définiront le futur de notre nation.

À travers ce texte, j’espère avoir suscité en vous la curiosité, voire l’urgence, de participer à cette réflexion collective. Restons engagés et optimistes, car c’est ensemble que nous bâtirons la France de demain, une France où chaque citoyen trouve sa place, contribue à la société et partage équitablement les fruits de notre progrès commun. Pourquoi ne pas construire ensemble un prochain texte plus programmatique qui tentera de tracer une route concrète vers ces idéaux.

Jérôme Moreels

Jérôme Moreels

Co-fondateur du Cercle Sully

À l’origine, avec ses co-fondateurs, du mouvement de renouveau démocratique incarné par le Cercle Sully, dont il est le président. Expert reconnu en systèmes d’information et e-commerce, il a co-écrit ‘Un défi pour 2030’. Humaniste engagé, marié et père de trois enfants, il défend avec passion les valeurs démocratiques et patriotiques de la France.