Déc 5, 2024 | Blog, Economie, Industrie | 4 commentaires

La réindustrialisation de la France : une critique sur la méthode

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écrit par Jérôme Moreels

La réindustrialisation de la France est au cœur des débats politiques depuis plusieurs années. Pourtant, malgré les annonces et les plans successifs, le pays peine à retrouver son dynamisme industriel. Comment expliquer cet échec ? Une critique de la méthode employée s’impose.

L’inefficacité de la méthode Coué

Les gouvernements successifs ont souvent adopté une approche optimiste, répétant à l’envi que la réindustrialisation était en marche. Cette “méthode Coué” consiste à affirmer avec conviction une réalité encore inexistante, dans l’espoir qu’elle se concrétise. Or, à force de répéter des slogans sans actions concrètes, le sujet devient flou et perd de sa crédibilité auprès du public.

Les “y a qu’à” et “faut qu’on” ont mené à des politiques ponctuelles et dispersées, dilapidant l’argent public sans résultats tangibles. Les initiatives manquent de cohérence et de vision à long terme, épuisant les ressources financières et l’énergie des acteurs économiques. Cette inefficacité renforce le scepticisme et rend la réindustrialisation encore plus difficile.

Reconnaître la défaite pour mieux rebondir

Admettre l’échec des stratégies passées est une étape essentielle pour avancer. Reconnaître que les politiques menées jusqu’ici n’ont pas porté leurs fruits permet d’analyser les erreurs commises et d’éviter de les reproduire. C’est un acte de lucidité nécessaire pour construire des solutions efficaces.

Accepter la réalité de la perte massive d’entreprises industrielles et du maillage territorial est également crucial. Le tissu industriel français ne se reconstruira pas d’un coup de baguette magique. Il faut du temps, des investissements et une stratégie cohérente pour recréer une base industrielle solide.

Orgueil et préjugés : dépasser les illusions

L’idée selon laquelle la France pourrait se concentrer uniquement sur une industrie “3.0” axée sur le très haut de gamme est une chimère. Cette vision postcoloniale ignore la réalité du marché mondial. Des pays comme la Chine et l’Inde sont déjà présents sur ce segment et ne se contenteront pas des productions à faible valeur ajoutée.

Il est temps de se demander si se focaliser sur les bases n’est pas une stratégie plus pertinente. Recréer une industrie de proximité qui fabrique des biens essentiels – vêtements, outils, jouets – répondrait aux besoins des citoyens tout en créant des emplois locaux. Une industrie modeste mais efficace peut être un moteur puissant pour l’économie nationale.

Le b.a.-ba : reconstruire le tissu industriel

L’industrie fonctionne comme une pyramide. À sa base se trouvent les très petites entreprises (TPE) qui maîtrisent des savoir-faire spécifiques et les exécutent à un coût raisonnable. Ces TPE alimentent de petites entreprises qui assemblent ces compétences pour créer des produits finis. Les entreprises moyennes développent des machines-outils ou des produits plus complexes, tandis que les grandes entreprises coordonnent l’ensemble pour réaliser des projets ambitieux comme des centrales nucléaires ou des avions de chasse.

La France a perdu une grande partie de ce tissu industriel de base. L’appât du gain et la mondialisation ont conduit à la délocalisation de nombreuses productions. Pour réindustrialiser le pays, il est indispensable de reconstruire ce socle de TPE et PME. Cela passe par la production locale de biens courants : masques chirurgicaux, vêtements, outils, composants électroniques, etc.

La méthode à adopter doit être globale. À l’image d’un “système d’arme” dans le domaine militaire,
chaque élément de la chaîne industrielle doit être pensé pour assurer l’efficacité de l’ensemble. Cela inclut la formation des ouvriers qualifiés, le développement des infrastructures, la recherche et l’innovation. Assurer la souveraineté industrielle nécessite une vision d’ensemble et une coordination des efforts.

Par ailleurs, la réindustrialisation est un choix politique. Il est impossible de tout reconstruire à la fois. Il faut déterminer les secteurs prioritaires, investir les ressources nécessaires et établir des partenariats stratégiques pour les domaines où l’autonomie n’est pas envisageable.

La France a toujours su relever les défis

L’histoire montre que la France a la capacité de surmonter de tels défis. Lorsque Louis XIV a constaté que les richesses du royaume s’envolaient pour l’achat de produits étrangers comme la porcelaine ou la soie chinoises, il a décidé de développer ces industries sur le sol français. En investissant dans le savoir-faire local, la France a non seulement réduit sa dépendance mais est devenue une référence mondiale dans ces domaines.

Aujourd’hui, il est temps de s’inspirer de cet héritage. La réindustrialisation de la France ne se fera pas en répétant des slogans ou en misant uniquement sur des secteurs de pointe. Elle nécessitera de reconnaître les échecs passés, de reconstruire patiemment le tissu industriel de base et de faire des choix stratégiques courageux.

Alors, quand commençons-nous ?

Jérôme Moreels

Jérôme Moreels

Co-fondateur du Cercle Sully

À l’origine, avec ses co-fondateurs, du mouvement de renouveau démocratique incarné par le Cercle Sully, dont il est le président. Expert reconnu en systèmes d’information et e-commerce, il a co-écrit ‘Un défi pour 2030’. Humaniste engagé, marié et père de trois enfants, il défend avec passion les valeurs démocratiques et patriotiques de la France.